“Gargantua était un géant. Oh pas seulement un grand gaillard. Non, Gargantua était bien plus grand que cela : Il était un géant, et, du temps de sa folle jeunesse, de ses grandes foulées, il arpentait le sud de la France, sautait de causse en causse, par dessus les rivières et les lacs, qui n’étaient pour lui que des petits ruisseaux et de drôles de flaques d’eau.
Un jour, le voilà qui s’arrête au bord de la source de la Diège, pour se rafraîchir. Et il observe alors tous les moulins parsemés tout au long de la rivière.
Il se dit alors que la terre de ce pays devait être bonne, et fournir de bon blé, en abondance, ce qui était vrai d’ailleurs, vu le nombre impressionnant de moulins que les petites gens avaient bâtis là. A l’époque, il faut dire, les gens était très attachés à la terre, et les géants, croyez-moi, ne faisaient pas exception à la règle.
Alors Gargantua se baisse, ramasse une bonne poignée de terre qu’il met dans sa chemise. Et puis repart.
Mais vous savez comment sont les jeunes : les cheveux longs, empressés, vagabonds et toujours négligés. Gargantua était un géant, certes, mais un géant jeune, et vagabond qui plus est. En se promenant dans la campagne, il avait déchiré et troué ses vêtements. Aussi, à peine a-t’il fait deux pas (deux pas de géant), que la poignée de terre verse par un trou de sa chemise, et se répand en un petit tas sur le sol.
Et vous croyez qu’il s’en serait aperçu ? Non, bien sûr, étourdi et empressé comme il est, il court déjà quelque part, entre le Ségala et le Lévezou.
Mais les gens du pays, eux, quand le géant s’en est allé, ils sont sortis de leur maisons et, avec stupeur, ils ont découvert, sur l’espace d’une lieue, un grand trou, et un gros tas de terre bien tassée.
Voilà pourquoi on appelle ce gros trou, le Trou de Gargantua, et le Tumulus de Courbatiers, à ce qu’on raconte, il s’agirait de cette fameuse poignée de terre, échappée de la chemise trouée du géant rabelaisien ….”